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JARDINS & PAYSAGES

DÉMARCHE:

« Le paysage se pense en moi et je suis sa conscience » Cézanne

Lors d’une retraite silencieuse zen, en1983, la journée se partageait en trois temps : le temps de la méditation (za -zen, ki-nin), le temps du repos et du repas, et le temps du travail manuel, en cette circonstance précise, une activité de défrichage d’un terrain en vue d’une construction.

Mon aversion pour le jardinage et plus encore pour le débroussaillage et le nettoyage d’un terrain, pour lequel, je n’avais, somme toute, aucune espèce d’intérêt, généra en moi un sentiment de colère et de rébellion, silencieuses, puisque c’était la règle.

Au fur et à mesure que le travail avançait, il s’opéra, à mon insu, un changement complètement inattendu. L’occupation physique, justement imposée, libérait les tensions du corps et de l’esprit et faisait jaillir une énergie toute nouvelle. Cette besogne humble et désintéressée engendrait une fête inouïe, à laquelle je n’aurais pas voulu me soustraire. Le déblaiement du terrain semblait avoir pour corollaire le déblaiement de l’esprit et de l’âme.

Le jardin zen, tel qu’on peut le percevoir, n’est pas seulement l’image d’une perfection, mais la réalité d’un perfectionnement permanent, présent et en devenir. Il est manifestation de ce qui se crée, se modèle, s’affine dans l’âme du jardinier.

Comme l’action de débroussaillage, l’action de peindre « donne existence visible à ce que la vision profane croit invisible… le dessin et le tableau sont le dedans du dehors et le dehors du dedans ». (Merleau-Ponty dans L’Œil et l’Esprit).

Dans mes paysages, nul arbre ne pousse, nul homme ne s’y promène. La nuit et le jour vibrent avec l’écho lointain du chaos initial. Le souffle imperceptible du vent harmonise la respiration de l’âme.

Le mandala apparaît comme l’espace arrêté de la méditation, le paysage en est comme le déploiement : le point et la ligne… le disque et le ruban.

La singularité de la manifestation de l’œuvre s’accorde avec la singularité de l’être, « on enrichit le paysage à travers ses propres mythologies et l’imagination qu’on a des espaces ». (Stéphane Quoniam, Cahiers de Géopoétique, N°1, Pau, 1990. Les préférences et les choix pour vivre dans tel ou tel paysage, s’accorde avec notre imaginaire de l’âme.

Le paysage est le lieu émotionnel où l’âme se remplit et se répand silencieusement pour célébrer la connaissance de ce qui l’engendre.

Marie Gauthier

Caracas 1991

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