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VANITES

DÉMARCHE:

Les « vanitas » nous viennent de l’Antiquité et signifient ce qui est vide, frivole, insignifiant, inutile et illusoire. D’implication philosophique, elles sont méditation sur les richesses et le dénuement qui rappellent que nous sommes tous mortels. Elles insistent sur l’éphémère de nos corps et de nos vies, pour nous recentrer sur l’essentiel, de ce qui justement pourrait résister au futile, au superficiel de la beauté, de la puissance, du savoir, des possessions. 

En Occident, ce thème récurrent invente en peinture le genre de la nature morte et se charge de morale. Bien que dépréciant le caractère éphémère des choses terrestres et l’inutilité des plaisirs face à la mort, la peinture, elle, y trouve son épanouissement. Elle figure la brièveté de la vie, la fuite du temps, les ruines, sans céder au désenchantement dans la grande jouissance du peindre. Les artistes n’ont pas cessé d’exprimer le temps et la mort, de capter l’insaisissable, la beauté mystérieuse et éphémère du vivant. Le Carpe diemcélèbre l’urgence de cette traversée d’expériences du vivre, fait ressentir et donne sens à l’art comme pratique consolatrice et sublimatoire. 

Non seulement remède à la mélancolie, la peinture a aussi pour destinée de susciter chez le spectateur le désir d’introduire, par son regard singulier, une révélation de l’intime. Entrer dans l’énigme du monde intérieur et le mystère de la vie, n’est-ce pas le propos de l’œuvre de Marcel Duchamp À bruit secret ? Entre le beau et le vrai, la peinture des vanités invite à réfléchir sur les multiples façons de passer ce temps de vie. Par tout ce que la peinture a servi d’illusion dans la représentation, on pourrait dire que toute peinture est vanité. Nul besoin aujourd’hui de figurer crâne, sablier, bougie, nourriture ou accessoires de luxe. L’art contemporain en élargit le thème, représente ou met en scène la fragilité des choses, le processus du pourrissement, du vieillissement, les décombres, la maladie et la guerre. Les artistes sonneurs d’alarme procèdent désormais aussi par la permission d’absence, l’évacuation, l’insignifiance…

Marie Gauthier 

15 novembre 2016 

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