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PRÉDELLES

DÉMARCHE:

Soulevons le voile.

Prédelles. Au Moyen Âge ce sont des petits tableaux près des retables, posés en dessous de l’œuvre centrale qui porte le thème principal, et en déclinent les idées en une suite ordonnée, compartimentée. Parmi les artistes contemporains, Pierre Alechinsky inaugure la peinture « à remarques marginales », où l’image centrale est entourée, sur les quatre côtés, d’une série de vignettes destinées à compléter le sens du tableau.

Toute l’exposition est ainsi présentée en trois dispositifs, avec pour chacun une présentation, une scénographie particulière et étudiée, chaque dispositif comprenant une toile principale, ou pas d’ailleurs, on le verra plus loin. Elle est accompagnée d’autres toiles et de petits panneaux de bois …près d’elle !

Dans chaque tableau les coutures organisent l’image, souvent en trois parties. Il faut s’interroger sur le sens de cette triade. Une interrogation philosophique, Qui sommes-nous ?.. demande Gauguin. Une idée du temps ? Une idée de l’espace ? Chacun est invité à ressentir ou imaginer sa propre trilogie.

Le premier dispositif est le plus fourni (*), et nous commencerons par lui notre voyage dans l’univers sophistiqué et hermétique de Marie Gauthier. Le tableau principal s’intitule « Qui sommes-nous ?» .C’est une grande toile horizontale de 70 cm x 140 cm. Comme toujours le travail commence par le marouflage d’un tissu imprimé, ici un paréo avec coutures. Il agit comme un voile collé sur le support, sur le corps ? Il suppose un en dessous caché, il dissimule et montre à la fois.

Marie est fille et petite fille de tisserands.

Les motifs souvent exotiques des tissus sont parfois conservés, à peine masqués ou retravaillés. On se rappelle les Petites Indiennes au MAC du Marin en 2005. Marie assume leur côté décoratif. Par endroits on remarque des broderies, au bord, en bordure. Au bord de quoi ? Une œuvre qui brode ou qui borde autour de l’intime.

Le tissu, toujours lui, a des parties boursouflées, comme des cicatrices chéloïdes, en Martinique on dirait des « prunes » ! Elles soulignent les jointures, mettent en relief les rapiéçages. Dans une des petites toiles, très abstraite, on pense au Kintsugi, l’art japonais de réparation des céramiques précieuses avec des coulures d’or ! Le vêtement c’est aussi la Culture.

La peinture vient ensuite, d’abord à l’acrylique puis à l’huile, par dessus le voile. Dans la série actuelle, en particulier dans ce dispositif, on voit une partie plus foncée, très foncée, qui s’enfonce dans le fond de la toile. On est obligé d’ouvrir l’œil davantage, pour pénétrer dans ce grand bleu, dans les rêveries de l’artiste, dans son intimité cachée.
On y découvre des formes végétales, qui s’enroulent au vent, au courant, au flot et au jusant, un geste libre, léger qui dessine quelque chose de non définissable, d’un ordre inconnu, d’inqualifiable.

Par Michèle Arretche 

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